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Poussière et genèse

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Poussière et genèse

La poussière paraît être un matériau sans intérêt, sans qualité. Plus nettement encore, si on regarde des textes littéraires ou journalistiques, la poussière ne paraît même pas du tout être un matériau. Soit, elle n’est mentionnée qu’allusivement, sous forme adjective, on parle d’un meuble, d’une maison, d’un paysage poussiéreux.

Soit, elle correspond à la notion, non d’un matériau, mais d’un élément, d’une vague matière, négative. Cependant, si on refuse à la poussière le statut de matériau, et si comme vague matière - informe- elle est le lieu où l’on se vautre, où on pique du nez, avec lequel on se recouvre par esprit de deuil, de désolation, ou de colère, on a tendance à dire: pas un matériau, mais un élément: élément, comme on dit: l’eau, l’air, la terre, le feu. Comment peut-elle avoir un tel rôle, une telle fonction ? L’élément, c’est ce qui vient en tout premier, et avant tout ce qui est inévitablement formé, informe, non par pauvreté, mais par richesse et surabondance: ce qui peut, par infinie souplesse, infinie subtilité et rapidité, se prêter à toutes les formes.

Dans l’enfance, c’est dans un rayon de soleil qu’on découvre la danse des corpuscules de poussière dansant dans la lumière, une danse lumineuse infinie, comme un commencement de monde. Malgré l’humilité et la «pauvreté» de la poussière, elle est encore plus élémentaire que les quatre éléments. Faite d’éléments microscopiques accumulés de tous les corps, faite de l’usure, et de renouvellement possible de tout les corps, de tout les matériaux. Après tout, par l’usure, elle est avant tout par la recomposition et la récréation possible de toute nouvelle forme et nouveau monde. Elle est l’équivalent, pour le volume, la texture, et l’épaisseur, du blanc par rapport aux couleurs; dissolution de tout, et somme de tout. C’est ce qu’a bien vu Epicure, en faisant partir la genèse de tout nouveau monde, de deux grains de poussière agglomérés, et il y a une infinité de monde: ces grains élémentaires s’appellent les atomes.

Poussière et genèse s’imposent comme deux complémentaires dans la tradition philosophique. Deux artistes, également, me semblent avoir perçu l’importance de cet élément: Dubuffet, quand il parle des sols, des terrains, des choses que nous foulons au pied, et qui sont si riches, si on les regarde, riche par leur banalité même.

Mais beaucoup plus spécifiquement Francis Bacon, qui, dans des entretiens avec David Silvester, s’émerveille de la qualité de la poussière: cet élément sans qualité, a une couleur, une nuance de gris magnifique, et le peintre prend la poussière et la colle sur la toile pour donner une certaine qualité de gris. Mais il y a aussi le caractère poudreux, la texture de cet élément, qui paraît tout à fait particulière, très proche du pigment, comme par hazard.

Pour les grecs, le lieu informe et matriciel, sorte de poussière impalpable, quasi abstraite, se nomme la Chora, c’est le lieu d’où l’on vient, et où on retourne: au commencement de tout, à la fin de tout. «Tu est poussière, et tu retourneras à la poussière». La poussière, danse des atomes primitifs et finaux, graine de genèse.

Claudine Romeo.